Opération Lest Carantec 2008
Alors là, attention, ce qui va suivre est hallucinant. Trois héros modernes, pesant au total 280 kilos vont aller chercher, en bateau, un lest de Corsaire, en fonte, et son aileron en bois, l'ensemble pesant environ 180 kilos, échoué dans les cailloux entre 2 plages de Carantec, sur l'alignement au 188° de l'amer de Kergrist par la roche de Carantec. A priori le rapport des poids est en faveur de l'équipage et au final, c'est bien lui qui va l'emporter mais le chemin est semé d'embuches et la manoeuvre pas évidente. Tout d'abord il faut un bateau de gros calibre, genre Laisse Béton, ferro ciment de 13,25 mètres et 15 tonnes. Ensuite il faut trouver l'endroit grâce aux coordonnées GPS fournies par Franck et Marie, des corsairistes locaux et coopératifs, sympas. Perros-Carantec à la voile, sans problème et on mouille à proximité du point GPS. Débarquement en zodiac et commando de recherche déployé en étoile. Pas longue la recherche, en 5 minutes le trésor est localisé, dans les cailloux à une trentaine de mètres au dessus d'une petite plage.
Au départ, je pensais qu'il faudrait attendre une grande marée pour que le lest soit recouvert et le soulager avec un zodiac ou des bidons vides avant de le tirer plus au large pour y accéder avec le gros bateau. En fait, une fois sur place avec deux costauds motivés, il s'avère qu'il est possible de le descendre sur la plage à la main. Donc saucissonage sérieux du bébé et allons-y nous autres, 20 cms par 20 cms dans les cailloux. Pas facile, regardez le visage des "tracteurs" sur la photo çi-dessus, ils souffrent, obligés de contracter fortement leurs sphincters pour éviter une débacle diarrhérique et gazeuse ou un étranglement herniaire. Les 2 gars que vous voyez là, tirant tel les percherons, c'est pas des gamins, c'est du sérieux, du tangible, pas du rechignant à l'action. Certes, il faut les motiver et faire miroiter le picotin, agiter devant leurs groins fumants une bouteille de pastis ou un barber-hauler d'écoute de spinaker, mais une fois lancés, rien ne peut les arrèter, de l'équipage sérieux se prenant pas au sérieux, sans eux, rien n'aurait été possible. D'autant plus remarquable que ces transateux, le lest échoué d'un Corsaire, à la base comme on dit, ils n'en ont rien à battre, c'est juste pour le fun, pour le défi.
Sur les photos au dessus, on peut voir le lest en cours de descente dans les cailloux, l'attelage des tireurs fous et le donneur d'ordres, instigateur de l'affaire, fier comme un p'tit banc, genre Tartarin de t'as l'air con des Côtes d'Armor, c'est moi, vous reviez de voir la tête du fou, c'est fait.
Maintenant on va le tirer sur la plage jusqu'à l'eau, attendre que la marée monte pour enroler Archimède dans l'équipage et tracter le trésor avec le bateau. C'est dit, c'est pas fait. Archimède, en fait, c'est un mec qui pensait qu'à se prélasser dans son bain, mais question d'aider à récupérer un lest à la Herbulot, il valait pas un coup de cidre le gazier, gros feignant l'Archi, euréka mon cul. Donc on immerge le bazar avec une bouée de repérage et on va chercher Laisse Béton qu'on approche le plus près possible de la grève. Avec le zodiac on a regardé les fonds, on a sondé, on sait que c'est du sable ou de la vase, pas de roche, et donc on peut approcher très près, sans risque, disons à une quarantaine de mètres.
Un coup de zodiac avec une aussière de 50 mètres pour relier le bateau à l'obscur objet de nos désirs.
L'objectif est de tirer le lest avec le guindeau électrique mais macache, à cause de cet anarqueur d'Archimède, gros menteur immergé, savonné jusqu'aux doigts de pieds mais truand de la portance subaquatique, escroc de la poussée inversée. C'est pas le lest qui se déplace mais le bateau qui est tiré vers la plage, au risque de s'échouer. C'est le moment critique, bon choix monsieur, bon choix madame : le renoncement est impossible à envisager à ce stade, il faut donc opter pour les grands moyens, pour le risqué, le violent, l'aventureux. On est pas venus là pour abandonner à 30 mètres du bonheur, donc on lève l'ancre et marche arrière toute avec le Perkins, on traine le truc sur la vase et sur 100 mètres pour s'éloigner des cailloux et pouvoir s'en occuper sans se soucier du mouillage. Le moment est tendu, comme l'aussière, mais ça recule sans problème.
On réussit donc a trainer le lest jusqu'au tribord du bateau et on installe la bôme avec des palans , les winchs et la drisse de grand voile, trois points de tir très puissants. On tire et ça monte le long du bord, ça sort de l'eau, tel le gros thon rouge.
Arrivés à ce stade, deux options pour le transporter de Carantec à Perros Guirec : le charger sur le bateau ou, sur une idée de Dubideck le tribordais, le mettre dans l'annexe, avec des protections et le trainer derrière le bateau sur 25 milles, en sachant que la mer est plate. L'option deux est votée à la majorité qualifiée, c'est à dire la décision unilatérale et sans contestation possible du seul maitre à bord. On brèle le chargement bien serré et en route :
Voilà, on a rejoint le port de Perros sans trop de problèmes, ça a cogné un peu contre la coque de temps en temps, mais pas grave, le ferro-ciment c'est super solide comme matériau.
Le plus léger d'entre-nous se charge de mener l'annexe et son précieux chargement jusqu'à une cale où il est possible de venir en voiture. Transfert de l'annexe dans le coffre et le tour est joué...
Finalement, c'était pas si difficile.
Une question se pose, pourquoi? la réponse est simple, pour rien! simplement pour jouer, pour s'amuser, pour être contents et aussi pour se fabriquer un souvenir.
Comme disait la mère Poulard, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, là c'est le zodiac qui a un peu morflé, 3 lattes de plancher sur 5 cassées et un magnifique trou dans le fond, pas grave, déjà réparé :
Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?? Ce matin j'ai vu un bateau de 8-9 mètres à vendre une bouchée de pain, sans doute beaucoup de boulot mais pourquoi pas ? Tiens on l'appellera "Why not".